DAMIEN FAUVE

FONDATEUR, WOBZ

Il a beau diriger une dizaine d’entreprises, à chaque fois qu’il se lance dans une aventure, Damien Fauve est du genre à naviguer à vue ; au-delà des business plans et des analyses, c’est souvent après une rencontre qu’il jette son dévolu : « En définitive, j’ai monté quasiment toutes mes affaires au débotté ! » De prime abord, ses activités de location de murs d’images LED, de barrières de sécurité ou de personnalisation de contenants réutilisables n’ont rien en commun. Elles sont pourtant reliées par un dénominateur bien spécifique : sa passion effrénée pour les festivals de musique. Si ce bourlingueur équipe les événements, des Landes aux Monts d’or en passant par la Bretagne, Damien est avant tout ce garçon d’Eure-et-Loir, né au beau milieu de la campagne. Gamin débrouillard toujours prêt pour les quatre-cents coups, il se distinguait surtout par son assiduité à l’école buissonnière. Déjà enclin à fédérer les opinions, le fils du maire récoltera la signature de tous les collégiens pour une « petite insurrection », une pétition réclamant notamment l’autorisation du walkman : « Je suis allé voir la proviseure en lui annonçant très sérieusement qu’à compter de ce jour, le règlement intérieur allait changer. » Pour trouver une place adaptée, Damien fera plusieurs établissements scolaires, jusqu’à ce qu’on l’incite à un apprentissage en taille de pierre – « un très beau métier, même si la vie en a décidé autrement. Ce que j’en retiens, c’est qu’il est possible de renouer avec n’importe quel système, pour peu que la pédagogie soit adaptée. » Le lycéen mélomane agrémente ses instants de liberté avec ses amis en écumant les évènements musicaux. C’est à cette période que ses dispositions entrepreneuriales se révèlent, quand il monte dans son village de Marboué son propre festival sans subvention ni sponsor. Il l’affuble d’un nom aussi provocateur qu’herbivore : « La Vache Folle ! Notre communication volontairement engagée pour dénoncer la dégénérescence du capitalisme a fini par attirer des milliers de personnes par jour. »

Obtenant son bac S en candidat libre, Damien continue d’affirmer son côté aventurier. Celui là même qui le fait arpenter le Mexique à dix-sept ans, puis créer un foodtruck spécialisé dans les tacos, pour régaler les foules des fosses. Celui-là même qui se combine à son talent pour agglomérer et rassembler trois ans plus tard, quand Damien fonde un festival de danse hip-hop en impliquant les jeunes de quartier, dans le cadre de la politique de la ville. Parce qu’il garde la bougeotte, il s’élance aussi dans un road trip en autostop, part d’Orléans, fend l’Espagne, le Maroc, la Mauritanie, et arrive au Mali, où il démarre une auberge de tourisme solidaire dans le village de Nyamina. Là, il est pris sous l’aile d’une figure locale, un camelot qui écoule de la ferraille et diverses bricoles, qui lui enseigne des ficelles qu’on n’apprend pas à l’école. Damien poursuit ses études de manière plus sage, mais sa licence en commerce et son stage de fin de cursus dans une chaîne de restaurants-grills n’entraveront en rien son ardeur. Les versants de l’Himalaya ont entendu le moteur de sa Royal Enfield vrombir, une moto qu’il achète d’occasion sans avoir jamais empoigné un guidon, puis revend après la traversée, au Cachemire. Et lorsqu’une virée en parapente au nord de l’Italie se termine par une gamelle mémorable, Damien mesure la chance d’avoir une magnifique colonne vertébrale : « Je me suis cassé les vertèbres, ma femme a appris un quart d’heure avant l’oral d’un concours que je me faisais opérer ! Elle est d’une stabilité incroyable ; cette vie de famille très posée est un contrepoids essentiel pour exprimer ma créativité. » Sa double casquette de régisseur directeur technique vissée sur la tête, Damien passe sa trentaine à entrer dans la plupart des festivals lyonnais. Il y rencontre Sylvain Grasset, son futur associé, entre les stroboscopes et les tables de mixage. Gravitant dans les mêmes sphères et côtoyant les mêmes personnages, les deux compères produisent sur scène un groupe de musique, avant de mettre sur pied des manifestations de concert. C’est dans ce cadre qu’en 2013, ils cherchent des contenants personnalisés en petite série, et se rendent compte d’un vide béant sur le circuit : « De là est venue l’idée de créer notre gobelet, Cupkiller ! » Se lançant avec deux-mille euros en poche, l’entrepreneur est encore loin de se figurer le succès d’un simple « side project ». Son gobelet tient toutes ses promesses, et égaiera autant les anniversaires, les mariages, que les kermesses.

Combattant les modes éphémères grâce à sa « tueuse de cups », Damien développe son offre dans toute l’Europe. En compagnie de ses soixante-dix talents, il multiplie les partenariats avec les revendeurs, diversifie son panel, déploie de nouvelles variétés de verres personnalisables, des flacons, des gourdes, des bouteilles. Avec son équipe et Benjamin Demay, il met aussi au point CustomDesk, un outil de modélisation 3D de gobelets, qui s’exporte jusqu’aux États-Unis. Autant de savoir-faire en e-commerce, R&D, production industrielle grâce à son association avec Jean-Pierre Rousselet – « le champion du monde de l’impression digitale sur objet depuis quarante ans ! » –, et développement de solutions logicielles regroupés sous une seule entité : Wobz. Fidèle à ses idéaux d’inspirateur, Damien instaure une structure halocratique avec liberté des horaires, où l’organisation circulaire et surtout la créativité reposent sur des équipes projets. Pour cet engagement qu’il tient à faire pousser, le dirigeant supprime le traditionnel schéma hiérarchique et les strates intermédiaires au profit d’un fonctionnement d’entreprise libérée, qu’il consacre dans la Constitution de la Wobz République. Une norme suprême qui privilégie l’interaction entre les collaborateurs et favorise les initiatives individuelles et intrapreneuriales. Désormais, Damien entend faire évoluer les usages comme les mentalités, et bousculer les codes de plus belle avec Mosh : un gobelet pucé réemployable. Et il a pu compter sur le soutien du réseau Pépites pour ce faire : « J’y ai fait la connaissance de Lionel Rousset, qui dirigeait auparavant une société de fabrication de mobilier urbain pour déchets. Il a donc une vraie expertise pour ce projet qui vise à éliminer des milliers de tonnes de détritus. » Tout comme le dirigeant a les initiatives et les théories qui tourbillonnent, Damien n’a pas renié sa nature trublionne. Comme cette fois où, avec un collectif d’Ardéchois, ils convoyèrent un vieux voilier de Brest jusqu’à la Guillotière, qu’ils firent caboter le long du Rhône façon pirate, tracté à la corde par des complices déguisés en agents Smith de Matrix : « Sur le pont, de nombreux artistes et saltimbanques donnaient des spectacles de jonglerie ! » Puisque recyclage et écologie sont parmi les grandes responsabilités de demain, Damien est bien conscient des défis que sont les siens ; mais c’est en s’amusant parfois des convenances que l’entrepreneur cogite et avance, quitte à mordre la ligne jaune – « je préfère être un clown qu’un clone ! »

portrait damien fauve

Entreprendre ?

C’est jardiner ! Il faut préparer la terre, mettre la graine et le terreau, espérer de bonnes conditions d’ensoleillement. Et surtout laisser faire quand cela fonctionne. Si la croissance peut être un peu désordonnée dans les premiers temps, il convient aussi de prévoir un tuteur : une structure et une stratégie claires !

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