PASCAL CHARRIER
DIRECTEUR GÉNÉRAL, EFALIA
Lorsqu’il achève ses études à la veille des années deux-mille par un stage dans une banque, au service Méthode, Pascal Charrier constate très vite combien l’informatique doit encore conquérir les modes et les pratiques. Tandis que son chef passait ses matinées à compulser des tableaux de données, une manipulation suffit au jeune diplômé pour tout automatiser : « J’ai pu lui montrer toutes les possibilités offertes par un tableur ! Cette première expérience dans le secteur financier m’a appris deux choses : nouer une cravate, et saisir le potentiel de l’outil informatique dans l’organisation d’une entreprise ! » Le directeur général d’Efalia officie désormais col ouvert, mais c’est encore avec un ensemble de solutions complètes qu’il vient en soutien des fonctions supports. Il emmène alors ses clients vers le « zéro papier », déploie des logiciels permettant de digitaliser, d’éditer un grand volume de factures et de documents. Les processus internes, eux, peuvent être rationalisés par des systèmes de coffres-forts et de signatures électroniques. Pascal s’est ainsi toujours senti légitime dans cet univers qui s’éploie en jargon et acronymes, où la GED s’ébat avec le BPM ou l’éditique – « tout cela peut paraître barbare… et pourtant, le but est bien de faciliter le quotidien administratif des sociétés publiques comme privées ! » Mais avant de rejoindre Efalia avec l’intention de lui conférer la croissance d’un groupe, celui qui est né sur la rive gauche de la Seine a suivi son désir d’indépendance jusqu’à poser ses bagages entre le Rhône et la Saône.
Du cocon familial au quotidien parfois « bohème », Pascal prend une tangente plus rationnelle ; les mathématiques – « un tropisme fort chez moi ! » –, ont cueilli le jeune homme pour ne plus le lâcher. Il ordonnance ses idées pour aboutir chaque fois à un CQFD ; ce même plaisir l’incite encore aujourd’hui à ressortir ses bouquins d’algèbres linéaires, histoire de se frotter à quelques formules et séries. Un penchant qu’il transmet à ses trois enfants, non sans imposer quelques règles issues de sa propre déontologie : « Je bannis les exercices corrigés… La satisfaction de la compréhension vient du fait que l’on ait réfléchi, réfléchi et encore réfléchi ! » C’est d’abord en classe préparatoire à Tours qu’il façonna ses raisonnements ; l’étudiant entra ensuite à l’École nationale de la statistique, une aubaine pour celui qui se situait juste dans la moyenne : « J’étais une bille en physique, et l’ENSAE s’est avérée la seule grande école dans laquelle j’avais des chances d’être pris car il n’y en avait pas au concours ! » Sa trajectoire toute tracée dans le secteur bancaire fut rapidement supplantée par d’autres intérêts ; à commencer par l’entrepreneuriat qui lui tendit deux fois les bras. Dès l’obtention de son diplôme, Pascal se greffe au projet d’une multinationale en montant une école éphémère à Grenoble. Après y avoir formé des ingénieurs venus de Libye, c’est grâce aux pérégrinations d’un proche qu’il revient à sa première lubie : « progicialiser un besoin » – « il avait vécu un stage désastreux chez un loueur de bateaux, car l’entreprise qui l’accueillait gérait ses demandes de réservations sans aucun système informatique. Lorsqu’il a terminé chez eux et qu’il est rentré des Antilles, nous avons eu l’idée de lancer un logiciel dédié à ce type de réservation, en créant Alphacréations ! » C’était l’époque où les équipes de développeurs opéraient depuis l’appartement de Pascal, l’époque de l’ivresse des premiers contrats décrochés, avec comme premier client ce fameux Punch Croisière. Bien qu’elle ait senti l’air du temps, leur start-up ne décollera jamais à travers son concept initial ; un pivot réussi ne suffit pas non plus à retenir Pascal : « D’ailleurs l’entreprise existe toujours, mais elle se consacre au management de projets ! » Décidant de rejoindre, en 2006, les rangs d’Emailvision, pour promouvoir des solutions de prospection, son ascension fut fulgurante : en huit ans, celui qui passa directeur des opérations voit les équipes se multiplier – de vingt collaborateurs à sept-cents. Contrebalançant les instincts rêveurs de son patron, Pascal déploie autant de processus que de structurations, et parcourt le globe en ouvrant filiale sur filiale. Le baroudeur finit toutefois par écouter son cœur et ses élans, en suivant son épouse dans un ultime déplacement : « Avec Caroline, nous avons décidé de nous installer à Lyon, sa ville d’origine ! »
Pascal n’envisagea pas d’autre suite logique à son cheminement que le rachat d’une entreprise lui permettant de renouer avec une autre liberté de mouvement. Il découvre la capitale des Gaules à sa manière et réseaute, écrivant des lettres aux entrepreneurs du coin, cherchant son aiguille dans une botte de foin. En rencontrant Étienne Paillard, alors à la tête d’Efalia, il passe un accord aussi ardu que prometteur : devenir associé à la condition de relever, en tant que directeur général, le challenge d’amorcer une croissance externe – « Et on peut dire que je me suis pris au jeu ! » Un an à peine après son arrivée en 2016, Pascal tient son engagement par une première acquisition rocambolesque lui valant quelques pics de suées : « Le dirigeant a annoncé à ses équipes qu’il avait vendu, le jour de son départ… ! » Pascal parvient à faire grandir l’entreprise au gré d’une dizaine de rachats, aussi bien dans la civic tech que dans des solutions conçues en territoire belge. Ses ambitions européennes ont d’ailleurs été soutenues par le programme Pépites, dont l’accompagnement lui a permis de s’implanter en Allemagne tout en menant une nouvelle stratégie de vente indirecte. Face à la forte croissance d’Efalia, Pascal maintient sa volonté d’en faire une entité unie plutôt qu’un groupe épars, dans lequel s’entremêlerait une nébuleuse de marques : « C’est certes un effort de créer une équipe forte, cohérente et alignée sous une même bannière, mais c’est justement pour cet idéal que je suis devenu entrepreneur ! » Qu’il consolide son modèle, ou ajoute de l’horizontalité dans un management visant à se départir des fonctionnements en silos, Pascal est fier d’échapper à cette fameuse solitude qui guette tout entrepreneur. Le pianiste amateur, qui préférera toujours jouer accompagné par les instruments de ses enfants, ne saurait dévier de cette ligne éprouvée : avancer en se sentant bien entouré.
Entreprendre ?
C’est transmettre de l’énergie aux équipes, embarquer avec soi des collaborateurs vers un même objectif, quel que soit leur parcours individuel. Ce qui reste d’une entreprise, ce sera toujours ce que chacun y aura vécu, ce bout de chemin que tout le monde aura fait ensemble !